lundi 20 octobre 2008

Être dans l'ailleurs

Hopper, Western motel


Je ne crois pas que d'autres — je ne nie pas les autres — l'auraient entendue, mais s'il avaient pu, l'auraient-ils comprise comme moi ? Cela n'avait rien à voir avec une quelconque insatisfaction. Je préfère prévenir. Les gens pensent trop, j'ai voulu apprendre aussi à me laisser porter par les mots. Et les siens aimantent mon coeur. Ne m'appelez pas poète, j'ignore tant de choses.

Avachis dans l'ombre d'une après-midi, nos corps se laissaient aller sans dignité, pour une fois abandonnés au doux poids du monde. Nous taisions dans le vin rouge nos ardeurs rassasiées. Là, nous aurions pu disparaître sous des coussins qui n'avaient plus de nombre. Sa tête reposait sur mon épaule et il m'a fallu quelques minutes avant de réaliser qu'elle avait subrepticement changé de position. Dans ces moments-là elle savait se déplacer comme on soupire. Alors j'ai surpris un murmure dans le creux de mon oreille. En y repensant, je ne suis plus sûr de grand chose. Tant de choses entre nous implicitement scellées d'un commun accord, nourries dans le silence.

Quels étaient ces mots, l'invisible parole ? Les yeux clos, bercés par l'évocation immobile d'un ailleurs, je devinais le sourire qui se dessinait sur ses lèvres. Elle n'avait qu'à dire et le large était déjà pris. Dans une heureuse complicité nous avions déjà traversé vallées et forêts, longé des rivières, entendu le chant des étoiles au-dessus des villes en sommeil. Des fourmis me sont montées dans les jambes. J'ai posé mon verre, changé de disque et rejoint la barque.


Max

3 commentaires:

Alistrid a dit…

Vous débarquez à peine et c'est déjà la bérézzina ...
Puis,
Bonjour le retour !
(Vous reprenez pieds ?)

Vous êtes très aimé Max. Rien ne menace l'horizon.

J'aime bien la planche à voile. Hier, par ici, le vent m'envoyait dans les plumes. J'ai plongé profondément . Ah la côte Normande le dimanche...
(toutçaditenvrac)

Anonyme a dit…

Je ne vous appelerai donc pas poète... (cette phrase est parfaite) mais... presque !
J'ai lu et relu ce texte comme on se passe en boucle une musique douce et chérie. Chaque mot est si juste, chaque phrase si bien construite que mes lèvres se régalent à vous prononcer.
Bravo, et merci.
La toile réserve décidément de belles découvertes...

Molécules d'amertume a dit…

Alors sur cette musique dansons encore, éperdus dans le vent aimable.

Max