dimanche 30 novembre 2008

Déchiré

Victor Brauner, L'Éventail du poète


J'ai essuyé mes larmes au revers du téléphone. Déjà trop tard. Tu as saisi mes derniers mots, noyés dans le bruit si laid de mes sanglots. J'ai raccroché, je m'étranglais. Je ne voulais pas t'imposer l'impudique partage de ma douleur. La nuit s'annonçait rêveuse, les heures heureuses étaient encore fraîches, nous n'avions qu'à en chevaucher le souvenir pour nous rejoindre, nos corps à nouveau inscrits dans le cadre si affreusement tranquille de la distance. J'aime être fou. J'aurais voulu te laisser cette première nuit de solitude retrouvée sans l'alourdir, en tous cas pas si vite, ne pas déjà célébrer le retour à une peine que l'on sait toujours si mal combattre.

Mes bras n'ont plus que mes frissons à étreindre. Mon souffle s'épuise dans une pièce trop grande. Je me sens si petit, si petit. Et déchiré.

Alma, pour toi je verserai encore des larmes de joies. Mais mes larmes de tristesse tu ne dois pas y avoir droit.

Tu es repartie en emportant littéralement le feu puisque je me suis retrouvé sans briquet. À peine avais-je accepté l'idée de ne pas pouvoir fumer ce soir, voilà que je redécouvrais la petite boîte d'allumette posée sur le plan de travail de la cuisine. Ces allumettes que tu avais ramenées de Vienne, comme un clin d'oeil. Mes yeux parcourent alors le reste de l'appartement silencieux. Les étagères de la salle de bain, un rayon de bibliothèque, les coussins sur le canapé. C'est bon. De partout tu ressurgis. Non comme un fantôme mais comme l'esprit qu'il me plaît d'habiter.

La cigarette au bec, maintenant, je souris.


Max

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Maudite distance... mais si on ne peut pas s'y habituer, on peut au moins l'aménager pour qu'elle ressemble à l'être aimé, qu'elle le prolonge, qu'elle ne soit pas ce vide qui s'écoule gouttes à gouttes, torture permanente, mais l'avenir tellement plein qu'il faut commencer à le vivre tout de suite de peur que demain il nous noie sous son intensité...

Molécules d'amertume a dit…

Ta douleur m'a renversée. Mais elle était belle.

Alma

Molécules d'amertume a dit…

Et bienvenue à Michel.

dubleudansmesnuages a dit…

Merci pour ce joli instant de lecture.

Tien j'ai dit 'instant de lecture'?... ça me donne des idées.